et les beatles chantaient

"Il était une fois..., NOËL"

Il n'y a pas si longtemps de ça, à peine un petit demi-siècle on va dire, le réveillon de la Saint Sylvèstre et le Premier de l'An nouveau, supplantaient de loin, Noël dans notre famille. Certes, il y a toujours eut un sapin qui trônait dans un coin de la Stubb (salle à manger). Il était tellement élancé que la pointe en verre soufflé, fine et si fragile, que seule maman était habilitée à en coiffer le sommet du sapin qui flirtait alors avec le plafond. C'était l'instant où chacun retenait son souffle!

 

Des petits supports à bougies se pinçaient sur les branches. Les répartir, mais surtout les allumer ensemble, était limité et fort risqué. Il fallait avoir l'oeil partout, prévoir, anticiper un éloignement suffisant des branches avoisinantes de chacune de ces futures flammes qui pouvaient s'avérer redoutables et dévastatrices, plus le sapin s'asséchait. Combien de sapins ont ainsi gâché et abrégé la saison noélique dans mainte famille? Et combien d'autres ont pu être courageusement pris à bras le corps et jetés dehors, dans la cour ou la rue, lorsque les aiguilles s'étaient mises à crépiter et juste avant que la pièce ne s'embrase, voire pire encore?

 Pareil incident serait arrivé chez nous aussi, une année, mais je n'en ai pas gardé le souvenir. Juste que notre sapin restait terne pendant quelques Noëls, jusqu'à l'acquisition d'une innovation alors révolutionnaire: une guirlande lumineuse, multicolore et... électrique! Qu'est-ce qu'il était beau et majestueux, le sapin ainsi nimbé et enrobé de lumières acidulées, mais qui ne clignotaient pas encore. Toutefois, pour ce qui était du risque d'incendie, la méfiance restait de mise. Car ces lumignons -ainsi que le fil qui les reliait entre eux-, chauffaient! Na ja! Moins dangereusement que les bougies d'antan, mais suffisamment pour éveiller le soupçon et pour que notre sapin ne resta illuminé qu'en présence d'un adulte dans la stubb. Par ailleurs, tout l'art et l'adresse lors du montage de cette guirlande, consistait à faire passer l'une de ces petites ampoules dans, ou juste au-dessus de la crèche pour la mettre en valeur et conférer une aura magique, irréelle à la scène de la Nativité.

 

 

[Ma mère nous narrait les Noëls de son enfance, entre les deux guerres, sous un sapin décoré avec des pommes rouges, astiquées afin qu'elles accrochent encore davantage la lumière. Ces pommes avaient pour noms les "Chréschkénndlas" (pommes de l'Enfant Jésus (?)). Petites, belles mais ô combien acides. Immangeables! Aujourd'hui on n'en trouve quasiment plus, surtout depuis que le remembrement a sonné la fin des vergers dans le ban de Hélsa et de la plupart des villages alsaciens, dévolus à la culture du maïs à outrance depuis un paquet d'années déjà. Cette réorganisation a signé l'arrêt de mort des petits trains de culture, diversifiés, du petit élevage domestique et de nombre de varitétés fruitières considérées -à tort, sans doute....-, comme non rentables. Les Chéschkénndlas en font hélas partie. Il n'y a guère que Marileine qui possède encore un de ces arbres, et qui parvient à en récolter et à nous en fournir tous les deux ou trois ans. Ces pommes aigrelettes nous servent à agrémenter et, bizarrement, à adoucir la cuisson du chou rouge qui retrouve ainsi un goût incomparable et une saveur d'autrefois.

 

Des noix, enveloppées dans du papier aluminium alimentaire, conservé précieusement tout au long de l'année, complétaient la décoration de l'arbre de Noël posé sur la table. Les cadeaux étaient une denrée rare et se résumaient le plus souvent à des petits pains d'épices en forme d'âne transportant le Saint Nicolas, piqués -luxe suprême!- d'un sifflet en bonbon dont le bruit strident ne cassait pas longtemps les oreilles des parents. La salive en venait à bout assez rapidement!

 

La messe de minuit, une véritable institution qui perdure, le retour à pied, dans la nuit glaciale, parfois sous la neige, accueillis par une délicieuse et envelopante odeur de vin chaud et de brioche... C'était la confirmation: le petit Jésus était né, Noël était à nos portes et réjouissait les coeurs!].

 

 

 

 

.... L'éclairage public d'alors était constitué de modestes halos d'une lumière blafarde et jaunâtre qui avait beaucoup de mal à se répandre sur la chaussée. Enfants, nous nous rendions en famille et regroupés en grappes humaines jusqu'à l'église, car la peur de croiser un duo redouté et redoutable qui sévissait durant une bonne partie de la nuit, nous rendait étrangement silencieux et dociles. Le "Chrèscht-Kénndl", l'Enfant Jésus, mais qui signifiait la "Mère Noël" pour nous; pour tous. Pour qui avait pu l'apercevoir, c'était une douce fée voilée et toute de blanc vêtue, vaporeuse comme une mariée. Son acolyte, le "Rüpells" ou "Hans Tranpp" (le Père Fouettard dans les deux cas), une espèce de quasimodo agité, bondissant bruyamment en lassant traîner une impressionnante chaîne autour de lui. Il portait un grand sac sur son dos, pas pour transporter les cadeaux, oh que non,  mais pour y emmener les enfants qui n'auraient pas été sages d'une année sur l'autre. Des parents dotés d'une marmaille un peu turbulente, difficile à contenir ou récalcitrante pour apprendre les leçons, invitaient ces personnages à rentrer dans leur maison, histoire de renforcer leur autorité. Inutile de préciser que cette courte visite suffisait souvent pour que le restant de l'hiver se passât plus calmement et studieusement dans ces maisonnées!

 

Grands dieux, j'ai eu la chance d'échapper à ça! Je pense que j'en aurai été traumatisée à vie ou serai morte d'un arrêt cardique sur place, sous le sapin de Noël!

 

A vrai dire, le Père Noël gentil qui sévit à tous les coins de rue, qui prend les enfants bonhommement sur ses genoux pour immortaliser la rencontre sur une photo souvenir, en costume rouge et à barbe blanche, n'a pas toujours existé. Cette image, curieusement ancrée dans nos esprits, ne remonte pas à la nuit des temps. Elle est entièrement sortie de l'imaginaire de publicitaires américains pour le compte de la marque  Coca-Cola, au tout début des années 50, et s'appelait Santa Claus. Il a su conquérir le monde et le coeur des petits et des grands. Chez nous aussi, au fil des ans, le Père Noël a remplacé et effacé jusqu'au souvenir du  Chréschkénndl. Chercher le Neij-Jonhr sous le sapin, au petit matin du Premier de l'An et ensuite chez les parrains et marraines dans la journée, a perdu son sens, tout s'est recentré autour de Noël.

 

 

Euuuh...., un dernier détail avant de clore ce chapître. J'ai ouïe dire que le Hans Tranpp, mais également la "Mère Noël", se laissaient aisément amadouer par un petit verre de schnaps, avant de s'en retourner dans le froid pour continuer leur besogne éducative dans d'autres maisons du village...

 

 

 



11/12/2011
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