et les beatles chantaient

"Im Sùmmer"

 

 

   -"Ja àn wàns éschr dann gschdorwa?". (mais de quoi donc est-il mort?)

   -"Aar hèt d'gàlop schwénd sùcht g'hètt...." .

 

 (une appellation qui couvrait une maladie sans doute digestive, pulmonaire peut-être, mais implacable et à l'issue fatale, de manière surprenante [un merci particulier à Mireille L. qui, via son réseau, m'a permis de lever un coin du voile qui recouvrait cette étrange et bien singulière maladie d'antan]).

 

   Dans mon esprit, cette phrase faisait naître un roman à elle toute seule. Le gàlop, je sentais que ça n'avait rien à voir avec le "gàlopri", apparenté à la "schnall katrin" (la diarrhée, pas marrante mais au moins on n'en mourrait pas) forcément dans mon esprit, je l'associais à un cheval, que dis-je, à toute une horde de chevaux! Pour tout le reste, on ne savait pas trop quoi en faire,  mais on sentait bien que c'était du sérieux, du grave car cela plombait la petite assemblée, impuissante devant un tel couperet. La fatalité avait frappé, contre ça il n'y avait aucun remède de ce temps là. 

   Voilà une de ces expressions à la fois mystérieuse et marrante que nous chopions dans l'épicerie de  Sch. Jeanne ou une nuit d'été, des conciliabules que s'échangeaient les 4 ou 5 toujours mêmes voisins âgés, qui, plantés sur les chaises qu'ils avaient rapportées de chez eux, pour passer la soirée, un petit moment ensemble.

   On distinguait parfois dans la pénombre, d'autres groupuscules similaires un peu plus haut dans la rue, pareillement alignés devant une demeure ou une clôture, à proximité ou carrément sous un lampadaire. Le premier qui se levait pour s'en retourner chez lui, soulevait parfois sa chaise en direction de l'autre groupe en signe de  "güad nàncht" (bonne nuit).

 

   A cette heure-ci -entre 20 et 22 heures- (c'était l'été, les grandes vacances pour nous et nous vivions sans heure, les anciens étaient réglés sur le soleil, le rythme imposé par les coqs et les vaches auxquels se rajoutaient bien souvent, le cliquetis des métiers à tisser, nombreux dans notre rue), pas la moindre voiture n'avait l'idée de traverser le village, guère moins qu'en journée, à dire vrai. Et nous pouvions donc jouer tranquillement au ballon ou à la marelle au beau milieu de la rue.

   Il arrivait  que les anciens nous demandent d'être un peu moins bruyants ou de nous éloigner un peu. Sauf que, de la part de nos parents, nous avions reçu la consigne de rester à jouer devant notre portail et que le jeu consistait aussi à glaner une information tombée de leur conversation. On affectionnait tout particulièrement un mot un peu bizarre sur lequel nous ne manquions pas de rebondir, de délirer à nous tordre à force d'étouffer un fou rire naissant.

   Parfois, récompense suprême, au moment de lever la séance, Nèstl (Ernest) ou Loni (Léonie) nous gratifiait d'une nouvelle que nous avions le droit de rapporter à nos parents qui eux, ne sortaient jamais pour papoter en choeur le soir.

   Aaahh.... les grandes vacances.... grandes peut-être, mais malgré le fait que nous les passions pratiquement en totalité chez nous, au village, l'ennui ou la làngi zitt (le temps long) n'avait jamais prise sur nous! Partir en vacances ne rimait pas avec aller voir la mer ou crapahuter en montagne, noooon, non!  Si l'on avait une sœur ou une cousine mariée dans un village voisin, d'aller y passer quelques jours et surtout, y dormir, c'était déjà un dépaysement monumental! Je n'avais rien de tout ça, moi. L'essentiel de la famille côté maternel, vivait à Hélsa et du côté de mon père, la guerre puis la mainmise des russes sur la Pologne après la guerre, l'ont coupée du commun des mortels ou disséminée de par le monde. Ce n'est que bien plus tard que je me rattraperai en voyageant et en allant à leur rencontre.

   Qu'à cela ne tienne, il faisait bon de se prendre pour Tarzan en nous accrochant aux lianes plus ou moins bien arrimées. Mais, pas bien agiles et prudents malgré tout, nous ne tombions jamais de bien haut! C'est que, n'est pas Tarzan qui veut. Et le cri que nous risquions ne pourfendait pas la forêt jusqu'aux abords de Hélsa. Il faut dire qu'il était plus qu'approximatif car notre héros à tous, nous l'avons découvert dans les B.D. dont Rémi, mon parrain, s'était délesté -pour notre plus grand bonheur-, par cartons entiers lorsqu' il s'est marié. Quant aux télés, elles étaient encore plus rares que les voitures, à cette époque!

   Et puis, quand la chaleur était par trop écrasante, de pouvoir accéder à la piscine du Willerhof, pour 50 centimes qu'on filait à la sœur  chargée de nous surveiller, c'était bien mieux et surtout moins fatiguant, que de pédaler pendant 10 kms pour nous rendre à celle de Sélestat. Dix kilomètres aller et autant pour le retour, juste entre gamins, en groupe et presque toujours à la queue-leu-leu comme les parents nous avaient fait promettre, et avec la hantise de choper un "plat" (traduction littérale de a blàndr, une crevaison, en fait).

 

   Remplie de bonne volonté, je tannais chaque été mes parents afin qu'ils m'achètent un cahier de vacances au bazar du village. La couverture bigarrée, les exercices ludiques et si différents de ceux que nous donnait à faire la sœur à l'école, les phrases truffées de pointillés à combler par des mots, .... me saoulaient au bout de très peu de jours. Certes, j'en crevais d'envie, je la convoitais cette trousse hyper garnie, promise à ceux qui parviendraient à terminer entièrement le cahier, et sans doute avec le moins, voire pas du tout de fautes. C'est justement là que résidait le hic: être persévérante malgré le beau temps, l'oisiveté, les tentations de poursuivre d'autres activités bien plus amusantes, .... La volonté était présente et, du moins durant la première semaine, je m'appliquais à faire les exercices page après page, consciencieusement. Mais! car il y a forcément un mais! au bout de 3 ou 4 feuilles, je trichais déjà en expédiant les exercices de "mots" que j'affectionnais davantage que les chiffres et calculs en tous genres. Beurk...

   Chaque début de grandes vacances dans le primaire commençait .... et finissait toujours de la même manière! Et la fameuse trousse couleur vert bouteille, garnie de porte-plume, de craies, de quelques crayons de couleurs, d'équerre, compas, mini-règle en plastique écru que je convoitais tant, je ne l'ai hélas jamais obtenue par mon travail estival. C'est ma mère qui avait fini par me l'acheter au Printania de Sélestat. Mon engouement pour les cahiers de vacances s'était éteint ainsi. Quoique... quoiqu'un petit pincement teinté de nostalgie, me gagne tout de même lorsque je "les" repère dans un présentoir en faisant mes courses. Lorsque l'été pointe ses rayons, ils ne manquent pas de faire leur apparition plus au bazar du village, mais dans tous les supermarchés qui se respectent et chez les marchands de journaux, bien entendu... Comme quoi...

 

(..... à suivre)

 -25 avril 2013-

 

 



04/03/2013
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